Conférence au lycée de Li Bin, peintre chinois

par Webmestre du lycée Jean Rostand

Le vendredi 22 janvier 2016, le lycée Jean Rostand a accueilli le peintre chinois Li Bin, dont un sujet de prédilection est l’opéra traditionnel de Beijing (Pékin). L’artiste a ainsi pu exposer à plusieurs classes son travail sur cette forme scénique traditionnelle caractéristique, et a parlé de son parcours d’artiste. M. Cervi, Proviseur adjoint, qui a vécu en Chine de 2008 à 2012, avait invité Li Bin pour faire mieux connaître à nos élèves un aspect de la culture de ce grand pays. La traduction était assurée par Gaël de Kerguenec, ancien professeur de FLE (français langue étrangère) en Chine, devenu directeur de l’alliance française de Dalian, ville d’où vient Li Bin.

L’article ci-dessous rend compte de la présentation faite lors de cette rencontre.

Li Bin est originaire de Dalian dans le Nord-Est de la Chine, où il fait actuellement très froid, nous a-t-il précisé... L’opéra de Beijing (Pékin) a une histoire de 250 ans mais chaque opéra vient de région différente et peut avoir 2000 ans d’histoire. Il y a 4 types d’opéras chinois, provenant de 4 régions différentes. Le film "Adieu ma Concubine" de Chen Kaige (Palme d’or au festival de Cannes en 1993) évoque bien cet art.

Dans l’opéra de Pékin, il y a des figures récurrentes : la jolie femme, le monstre, le membre du gouvernement, le militaire. Il y a aussi des types de personnages, comme le "Chou", figure de Clown, pour faire rire, ou le "Jing", personnage au caractère fort. Les couleurs ont une signification. Le rouge suggère quelqu’un du gouvernement, de puissant. La couleur signifie aussi le caractère. Le rouge est aussi la couleur de la Chine. Chaque personnage a une histoire.

Li-Bin peint avec des pinceaux, de l’encre de Chine et de l’aquarelle. Il travaille sur la texture. Les pinceaux servent pour écrire (calligraphie) et pour peindre. Il utilise une peinture à l’eau. Normalement, il utilise des pigments à mélanger avec de l’eau pour faire sa palette ; mais en déplacement il utilise des tubes.

Quand on peint, on a un sceau, qui s’appuie sur les principes opposés et complémentaires du Yin (sceau rouge sur fond blanc) et du Yang (écriture blanche sur fond rouge). Le Yin est plus fréquent, en général en haut du tableau (le Yang en bas) : cela dépend du contenu de la peinture. Les 2 sceaux (1 Yin et 1 Yang) constituent la signature. Les sceaux proviennent de la calligraphie de la dynastie Han qui date d’il y a 2000 ans. Tous les tableaux sont composés en 3 parties : la peinture, la calligraphie, et les sceaux (qui signifient que la peinture est finie). Chaque peintre a ses thèmes favoris et Li Bin a choisi l’opéra chinois.

Li Bin peint des costumes, parfois très grands, avec des maquillages, des masques. Il évoque la légende du Roi des singes, aventure relatant un grand voyage vers l’ouest, quand dans la dynastie Tang, il y a 1000 ans, un moine est allé vers l’Inde chercher les textes bouddhistes ; il était accompagné d’un singe.

A noter : on entre dans l’année du singe dans le calendrier chinois, composé de 12 animaux. C’est un calendrier lunaire qui change tous les ans ; le nouvel an à venir est le 8 février. On sort de l’année de la chèvre, et on passe à l’année du singe, et il faudra porter du rouge si on est né une année du singe, qui revient tous les 12 ans...).

Li Bin peint des triptyques. Quand il y a 3 tableaux, le personnage central est au milieu, les 2 personnages autour participent à l’histoire. Quand il y a 4 personnages, cela signifie qu’il n’y a pas de hiérarchie entre les personnages.

Li Bin adore l’opéra de Pékin, tradition qui se perd un peu aujourd’hui. Il aime l’esthétique, et les couleurs qui ont chacune une signification. Chaque visage a des expressions différentes. Les rôles uniquement tenus par des hommes. A l’époque les femmes n’avaient pas le droit de se produire sur scène (dynastie Qing). Elles n’avaient pas le droit non plus d’aller à l’opéra. A l’époque les femmes chinoises avaient les pieds bandés pour qu’elles ne sortent pas de la maison.

En Chine, les métiers pour l’opéra sont très cloisonnés : maquillage, décors, costumes, lumière... Chaque domaine est assuré par des spécialistes formés pour cela et qui ne peuvent faire que ce métier.

Li Bin est né en 1964, et a été confronté à la Révolution Culturelle : de 1966 à 1976, Mao a interdit toute forme de culture car c’était considéré comme une activité bourgeoise. Toute personne qui faisait des études ou était artiste était envoyé à la campagne. A 6 ans, il a été envoyé dans les champs (dans le Shandong, à l’est). Il n’avait pas d’amis, donc il s’est débrouillé pour dessiner (seul) pour communiquer avec lui-même. Il a commencé à peindre tout seul. Il copiait l’imagerie de Mao dans les journaux. De 6 à 13 ans il était à la campagne et ensuite a pu aller à l’école et perfectionner sa technique.

Sa famille est du Shandong mais maintenant il habite à Dalian. Au début il a été ouvrier, puis professeur à l’université. En 1999 il a pu devenir artiste à part entière.

Pourquoi les femmes ont toutes les yeux rouges sur dessins ? Les femmes dans l’opéra de Pékin ont des visages très blancs, des sourcils qui remontent (esthétique traditionnelle) ; cette couleur rouge vise à faire ressortir les yeux et la bouche. Li Bin exagère le rouge pour faire ressortir les yeux. Il faut 2h à un comédien pour se maquiller, régler sa coiffe et son costume. Les costumes pèsent de 5 à 15 kilos, et il est très difficile de bouger quand on les porte. Il y avait avant des équipes de maquilleurs, maintenant les comédiens se maquillent eux-mêmes. Ils tirent très fort la peau comme pour un lifting pour que les expressions sur scènes se voient de très loin.

Un artiste aujourd’hui peut avoir un statut très spécial s’il est artiste officiel, sinon ce n’est pas une vie très facile. Mais pour avoir plus de liberté il vaut mieux être artiste à son compte. La peinture d’opéra est autorisée et Li Bin a pu sortir sans problème pour en parler et les montrer. En revanche, si ses peintures étaient interdites en Chine pour des motifs politiques, l’artiste n’aurait pas le droit de sortir du pays.